Il y a une condition supérieure [...], où la conscience,
tout en restant encore principalement mentale ou partiellement mentale dans son
fonctionnement, est déjà ouverte à des régions supérieures dans une aspiration
vers la vie spirituelle, et ouverte à l'influence supramentale.
Dès que cette ouverture se produit, on passe de l'état où la
vie est purement physique (quand je dis physique, j'inclus toute la vie mentale
et intellectuelle et toutes les réalisations humaines, même les plus
remarquables ; je parle d'un physique qui est le sommet des capacités humaines,
d'une vie terrestre et matérielle où l'homme peut exprimer des valeurs d'ordre
supérieur au point de vue mental et intellectuel), on peut dépasser cet état,
s'ouvrir à la force supramentale qui agit maintenant sur la terre et entrer
dans une zone de transition où les deux influences se rencontrent et
s'interpénétrent, où la conscience est encore mentale et intellectuelle dans
son fonctionnement, mais suffisamment pénétrée de puissance et de force supramentales
pour pouvoir être l'instrument d'une vérité supérieure.
A l'heure qu'il est, cet état-là est réalisable sur la terre
pour ceux qui se sont préparés à recevoir la force supramentale qui se
manifeste. Et dans cet état-là, dans cet état de conscience, le corps peut
bénéficier d'une condition très supérieure à la condition dans laquelle il se
trouvait auparavant. Il peut être mis directement en rapport avec la vérité
essentielle de son être, au point que, spontanément, à chaque minute, il sache
d'une façon instinctive, ou intuitive, quelle est la chose à faire et qu'il
puisse la faire.
Je dis, cette condition-là, maintenant, est réalisable pour
tous ceux qui prennent la peine de se préparer à recevoir la force
supramentale, à l'assimiler et à lui obéir.
Naturellement, il y a un état supérieur à celui-là, c'est
l'état dont Sri Aurobindo parle comme de l'idéal à accomplir : la vie divine
dans un corps divin. Mais il nous dit lui-même que cela prendra du temps ;
c'est une transformation intégrale qui ne peut pas s'effectuer en un moment.
Cela prendra même beaucoup de temps. Mais lorsque ce sera fait, lorsque la
conscience sera devenue une conscience supramentale, alors, l'action ne sera
plus à chaque minute déterminée par un choix mental ni subordonnée à la
capacité physique : c'est le corps tout entier qui sera spontanément,
intégralement, l'expression parfaite de la vérité intérieure.
Cela, c'est l'idéal que l'on doit garder devant soi, vers la
réalisation duquel il faut tendre ; mais il ne faut pas s'illusionner et croire
que ce puisse être une transformation rapide, miraculeuse, immédiate,
merveilleuse, sans effort et sans travail.
Pourtant, ce n'est plus seulement une possibilité, ce n'est
même plus seulement une promesse pour un avenir lointain : c'est quelque chose
qui est en voie d'exécution. Et l'on peut déjà, non seulement prévoir, mais
sentir le moment où le corps, comme l'a fait déjà l'esprit intérieur, pourra
répéter intégralement l'expérience de la partie la plus spirituelle de l'être,
et lui-même, dans sa conscience corporelle, se trouver devant la Réalité
suprême, se tourner intégralement vers elle et dire, en toute sincérité, dans
un don total de toutes ses cellules : "Être Toi — exclusivement,
parfaitement — Toi, infiniment, éternellement... tout simplement".